par les associations de spécialistes APBG, APLettres, APPEP, APSES, Les Ailes du Désir, SLNL.
À en croire de récentes recommandations de la Cour des comptes et du Conseil supérieur des programmes, on restaurerait l’attractivité du métier d’enseignant en facilitant des voies de recrutement contournant la logique des concours : par entretien, sur diplôme, etc. Or, le sens même du métier serait menacé par cette mise en cause du concours, non seulement parce qu’il est le mode de recrutement qui garantit le mieux l’équité, en particulier par l’anonymat de sa phase écrite, mais aussi parce qu’il assure l’homogénéité des compétences pédagogiques sur tout le territoire national. À l’heure où les classes sociales les plus favorisées jouent à fond la carte de l’enseignement privé et où, à l’inverse, le travail de remédiation dans les réseaux d’éducation prioritaire est de plus en plus ardu, ces raisons de défendre le recrutement par concours ont une importance redoublée. On ne saurait non plus approuver des voies locales de recrutement qui feraient encore davantage du chef d’établissement une sorte de chef d’entreprise.
L’erreur de diagnostic est patente. Tout d’abord, la désaffection pour la fonction publique se manifeste aussi dans les concours administratifs. En outre, c’est surtout la dégradation des conditions de travail et des traitements et salaires des professeurs qui explique la crise du recrutement. Comment pourrait-on songer à améliorer l’attractivité du métier en supprimant de fait le statut de fonctionnaire ? En somme, on demande toujours plus pour des avantages moindres : comme le note la Cour des comptes elle-même, la mastérisation « a pour effet mécanique d’accentuer les difficultés de recrutement en allongeant la durée des études pour devenir enseignant ». Qui plus est, selon la Cour des comptes toujours, le triple objectif du Master MEEF (formation, stage en tiers-temps et préparation au concours) se traduit pour ses étudiants par « une surcharge de travail ». Enfin la lourdeur du stage de titularisation des lauréats issus des Masters MEEF (un plein temps et 10 à 20 jours de formation en INSPÉ) a certainement réfréné, elle aussi, plus d’une vocation.
Si donc on veut réellement rétablir les viviers, il est urgent de demander :
– Que contrairement à ce qu’a institué la réforme de 2019, les jurys de CAPES redeviennent des jurys de pairs ; et que ne puissent plus y siéger des « attachés d’administration » ou « personnels de direction » comme c’est le cas actuellement, au prétexte de l’épreuve d’ « entretien avec le jury ».
– Que cette épreuve d’« entretien avec le jury », dépourvue de toute pertinence pour le recrutement dans son exigence de mesurer l’attachement des candidats à des « valeurs », et pour cette même raison impossible à évaluer sérieusement, soit supprimée ; et que toutes les épreuves d’admission redeviennent des épreuves réellement disciplinaires et pédagogiques.
– Qu’augmente significativement la part d’enseignement disciplinaire dans les masters MEEF, actuellement très insuffisante : 10% d’après le référentiel en vigueur, à comparer avec les 30% alloués aux très généralistes « stratégies d’enseignement et d’apprentissage », si peu propices à entretenir l’indispensable goût du professeur pour sa discipline.
– Que les stages « en alternance » avant le concours soient mieux rémunérés et significativement allégés. Certes, on peut souhaiter que l’étudiant se confronte à la réalité de l’enseignement avant de passer le concours ; mais un tiers de service complet (6 heures de cours) est tout à fait excessif pour qui prépare un concours.
– De repenser l’année de stage des titulaires du concours. L’entrée dans le métier doit redevenir progressive ; et la possession d’un master MEEF ne saurait dispenser de l’accompagnement par un collègue tuteur dans un esprit de formation par les pairs qu’il faut défendre contre une professionnalisation artificielle et trop précoce.
De réfléchir à des manières de soutenir la candidature des étudiants qui souhaitent devenir enseignants, notamment par des dispositifs de financement des études et de la préparation des concours.