« Collège. Mieux apprendre pour mieux réussir » : une régression généralisée

Le texte « Collège Mieux Apprendre Pour Mieux Réussir » présenté par Najat Vallaud-Belkacem propose une régression généralisée dans le domaine de l’enseignement.

Ce texte implique une régression de l’esprit scientifique, alors même que la formation pédagogique dispensée depuis longtemps par les IUFM et, maintenant, par les ESPE se traduit par un recul de la réussite scolaire, que soulignent les trois graphiques initiaux du document. En effet, non seulement le texte occulte ce facteur, essentiel, de l’échec actuel, mais il ne tient aucun compte des acquis des neurosciences, de la psychologie ou de la psychanalyse dans le domaine de l’éducation : par exemple, il passe sous silence que, contrairement à ce qui est généralement prôné en France, le « transfert vertical » et un enseignement structuré explicite sont des conditions de la réussite de tous, et non de quelques-uns seulement.

Ce texte implique une régression de la formation humaniste, parce qu’il vise, non à assurer la formation de l’homme et du citoyen, mais à former les membres de la société marchande, comme consommateurs pour la plupart, ou, pour quelques-uns, comme créateurs d’entreprise. En effet, au lieu, d’avoir comme objectif la formation d’individus autonomes guidés par la raison, l’expérience et l’esprit critique, il limite les ambitions du collège à « apprendre à travailler en équipe, à proposer, à expérimenter, à s’exprimer à l’oral, à conduire un projet ».

Ce texte implique une régression de l’équité et de la justice sociale. En effet, d’une part, il conduit, entre autres, à l’éradication des langues anciennes, souhaitée par certains, alors que l’étude de ces langues permet le recul, l’ouverture d’esprit et la compréhension de soi et des autres, parce que, dans leur enseignement, l’absence de préoccupation de rentabilité immédiate, permet de prendre du temps pour réfléchir et pour tirer des leçons de vie. En effet, au contraire de ce qui se passe aujourd’hui, elles ne seront plus offertes à tous, mais, de fait, réservée à « l’élite » des lycées de centre ville ou de l’enseignement privé. D’autre part, alors que la situation difficile de beaucoup d’élèves, notamment des milieux défavorisés, résulte pour une grande part des difficultés qu’ils rencontrent dans le recours à l’abstraction, ce texte propose de renforcer l’enseignement pratique au détriment de l’exercice de l’abstraction, alors même qu’il est acquis depuis longtemps que la capacité d’abstraction se développe par sa pratique effective. Ainsi, alors même que le développement de la capacité d’abstraction est la condition de la réussite, les nombreux élèves, très souvent issus des milieux défavorisés, qui n’ont pas la possibilité de développer cette faculté dans leur milieu familial, se voient refuser de pouvoir le faire à l’école, ce qui permet aux plus favorisés d’éviter la concurrence. Sont donc les seuls bénéficiaires de ce choix ministériel les élèves qui n’ont pas besoin de l’école pour développer leurs capacités, soit parce que leur cadre familial y pourvoit, soit parce qu’ils peuvent bénéficier d’une aide extérieure payante.

Ainsi, ce texte ministériel implique une régression généralisée et ruine l’idéal de l’école républicaine, que ce soit le fruit d’une volonté politique, de l’ignorance ou de l’indifférence au sort des plus démunis.