Déclaration sur la suppression du latin et du grec au Collège

Déclaration du président de l’Association des Professeurs de Lettres

En décembre 2012, à Tombouctou, « perle du désert », des barbares détruisaient les mausolées des saints du soufisme.

En février 2015, à Mossoul en Irak, d’autres barbares ont saccagé les statues assyriennes du musée archéologique.

À Paris, en mars 2015, d’autres barbares encore suppriment l’enseignement du latin et du grec des collèges de France. Pour être d’aspect plus policé, ces barbares n’en sont pas moins aveugles, leur œuvre n’en est pas moins ténébreuse.

Ce sera l’étonnement affligé de l’avenir qu’à l’heure où, pour quiconque pensait, les langues anciennes devaient d’évidente urgence être enseignées à tous les jeunes gens confiés à ses écoles, le gouvernement français ait fait le choix absurde et criminel de mutiler les esprits.

La ministre de l’éducation nationale a répété que la maîtrise de la langue nationale était une priorité absolue ; ignore-t-elle que le latin est la matrice, non seulement originelle, mais continue et ininterrompue des mots du français, du sens de ce qui jusqu’aujourd’hui s’est écrit en français ?

Nos gouvernants n’ont eu de cesse de mettre l’école en première ligne de la lutte des lumières contre l’obscurantisme ; comment comprendre que le premier effet de ce constat soit d’emprisonner nos jeunes dans un face à face avec les seules traditions judéo-chrétienne et musulmane, et de leur interdire la connaissance et la respiration de la tradition gréco-romaine ?

Depuis le XIIIe siècle, la France a fait le choix, linguistique, culturel, politique, de se penser et de se construire comme la continuatrice de Rome, et, par-delà Rome, d’Athènes ; ce choix jamais renié a fait de notre pays le modèle inédit d’une nation qui n’est pas ethnique, d’une patrie universelle. Mais nos dirigeants connaissent-ils l’histoire du pays qu’ils prétendent gouverner ?

L’Association des Professeurs de Lettres met solennellement en garde la ministre de l’éducation nationale, le gouvernement et le président de la République contre ce qui apparaîtra à nos successeurs comme une aberration politique, un suicide national, un crime contre l’esprit.

Paris, le dimanche 22 mars 2015

Le Président