Dès janvier dernier, l’APLettres s’est employée à influencer la réforme du lycée et celle de ses programmes. Nous avons été les premiers, alors que d’autres, y compris parmi les plus ardents et fidèles défenseurs des langues anciennes, pensaient la partie perdue et que le Cabinet les confortaient dans cette démission, à demander la création d’une spécialité « langues anciennes », demande réaffirmée le 9 février lors de notre entretien avec le directeur de cabinet du ministre : nous l’avons obtenue et nous avons obtenu à l’automne, avec nos partenaires, malgré la note scélérate publiée par la DGESCo, qu’elle soit très largement proposée sur tout le territoire.
Nous avons également demandé et obtenu que l’option soit maintenue avec l’avantage actuel : le triplement des points au bac ; reste à s’assurer que ces points s’ajouteront au total obtenu.
Dès le 9 mars, nous avons été consultés sur les programmes de français et de langues anciennes. Nous pouvons nous féliciter de notre influence sur les premiers. Je ne reprendrai pas ici le propos de la motion que nos lecteurs lirons par ailleurs, mais, dès la note publiée par le CSP en mars dernier, qui reprenait très précisément notre propos, nous avons pu constater que nous avions été entendus. Consultés, le 4 octobre, sur le projet issu du groupe de travail, puis par la DGESCo, le 19 novembre, sur le projet définitif de la DGESCo, nous avons encore été entendus sur certains points, comme l’accent mis sur le théâtre classique ou la distribution de la littérature d’idée entre la seconde et la première ; nous déplorons cependant que les « parcours d’histoire littéraire » ne soient plus que des « parcours » et redoutons, par expérience, ce que les éditeurs, les formateurs et certains IPR idéologues feront de ce vague délétère. Il est essentiel que ces parcours passent en revue toute la période considérée et ne l’assujettisse pas à une thématique quelconque. C’est pour la même raison, l’intégrité du texte, que nous déplorons aussi qu’ait été abandonnée la mention de l’analyse linéaire : sans l’imposer aux professeurs, il faut que les programmes la mentionnent et y encouragent, pour que la rupture soit réelle avec la lecture méthodique, véritables œillères mises aux élèves dans leur approche des textes. Nous espérons donc que l’esprit de ce projet soit confirmé et conforté par la DGESCo et, surtout, par le ministre lui-même, quand il publiera les programmes définitifs et nous appelons les éditeurs de manuels scolaires à ne pas aller trop vite, notamment à ne pas élaborer des ouvrages bâtard qui appliquerait un pauvre vernis d’histoire littéraire ce qui se fait actuellement. Après tout, une rentrée sans manuels ne serait pas catastrophique et il vaut mieux attendre septembre 2020 pour que des ouvrages rigoureux scientifiquement et parfaitement conformes aux programmes soient disponibles.
Les choses sont assez différentes en ce qui concerne les langues anciennes. Là encore, nos lecteurs consulteront la motion adoptée par le Comité. Nous nous contenterons ici de répéter que le latin et le grec sont des enseignements littéraires, enseignés par des professeurs de lettres, lesquels enseignent aussi le français. S’il est tout à fait légitime, et même souhaitable, que l’histoire et l’anthropologie aient leur place dans les programmes, cette place ne saurait occuper celle de l’étude littéraire des textes, c’est-à-dire de leur explication, notamment stylistique, sans cadres ni a priori. Rien ne serait plus désastreux pour l’avenir des langues anciennes au lycée qu’un enseignement aride et qui enfermerait l’Antiquité dans son passé. Ce qui justifie la place de tout temps accordée aux langues anciennes dans notre enseignement, c’est la nécessité de la connaître pour comprendre la modernité, qui n’a cessé de s’en nourrir. L’élève s’intéressera au latin parce qu’il croise des inscriptions en latin dans les rues de Paris, parce qu’il constate que les lettres antiques informent la littérature française et européenne. Une approche strictement anthropologique et fondée sur le seul écart entre l’Antiquité et le monde contemporain place le latin et le grec sur le même plan que le mandarin ou le maya, langues passionnantes à étudier, mais sans nécessité pour nous, Français et Francophones, Européens et Méditerranéens d’aujourd’hui.
L’APLettres va jusqu’au bout faire valoir ses convictions, pour que les programmes de langues anciennes soient en harmonie épistémologique et en adéquation pédagogique avec ceux de français. En outre, l’APLettres rencontrera à nouveau le CSP, le 10 décembre prochain, pour exprimer ses vœux sur les futurs programmes de français-histoire des Lycées professionnels.