L’école des trois petits cochons

On peut être légitimement navré à la lecture de ce que la plupart des candidats, ou pré-candidats, à la présidence de la République conçoivent et prévoient de notre enseignement. Au mieux, le propos affirme de sains principes, mais reste bien vague quant aux mesures qui les réaliseraient ; au pis, on nous promet une fuite en avant dans le pédagogique, l’allongement du service des professeurs et l’autonomie des établissements, dans la dissolution du système national de transmission des savoirs.

Pourtant, nombre des questions qu’ils prétendent traiter ne sauraient trouver un commencement de solution sans que soit restaurée, au sens où l’on restaure un édifice, notre école, sans qu’elle soit au préalable débarrassée des préfabriqués immondes qui, pullulant depuis plus de trente ans, défigurent ses façades, obstruent ses entrées, ébranlent ses fondations. Car dans la maison du savoir, l’esprit grelotte et jeûne. Disons même qu’il n’est plus en sûreté : les loups rôdent alentour, qui de plus en plus fréquemment attrapent, mutilent ou dévorent quelqu’un de nos bambins. En vérité, elle ne les protège pas davantage qu’une maison de bois…

La maison de bois, c’est ce qu’est devenue l’école, parce que les professeurs résistent, parce qu’on n’en finit pas si facilement avec une tradition de plusieurs siècles. Mais les pédagogues bienveillants qui depuis des décennies la minent nous assurent que, toute de paille, elle abritera bien mieux ceux qui, entre ses murs, espèrent grandir et s’élever. Que les leçons de morale et les débats citoyens, la bien-pensance généreusement assénée ou gentiment célébrée garantiront nos petits cochons du grand méchant loup djihadiste, tout en les consolant du chômage auquel ils sont promis comme du droit du travail trop tôt disparu. Seulement, le prêche ne prémunit pas du prêche, ni la paille du feu ; il faut, pour résister au souffle prophétique, de solides connaissances rigoureusement agencées. Il faut, pour faire de l’élève un citoyen, l’éclairer et l’instruire.

Mais veut-on encore que les Français soient citoyens ? On n’a, ces dernières années, eu de cesse de galvauder le mot, et d’abord en l’employant comme adjectif ; en périmant ainsi le mot civique, on a pu confondre le civisme avec la civilité et la souveraineté nationale avec les bonnes manières. On voudrait certainement que les jeunes Français échappent aux griffes des djihadistes, sans doute même à celles des fascistes et des démagogues. Mais de là à armer leur raison, il y a un pas qu’on ne saurait franchir quand on n’a soi-même pas le courage de gouverner ! Et quand on n’est pas capable d’offrir à un grand peuple autre chose que la réduction des déficits, sans doute vaut-il mieux le priver de son histoire…