Motion sur la place des langues anciennes dans le lycée réformé

Le Bureau de l’Association des Professeurs de Lettres a pris connaissance des projets de cartes académiques des spécialités qui seront proposées dans les lycées à la rentrée prochaine. Comme on pouvait s’y attendre au vu de la note de service émise par la DGESco le 5 septembre, et malgré l’entretien donné par le ministre au JDD le 30 septembre, la spécialité « Littérature et LCA » n’est présente que dans un nombre scandaleusement restreint d’établissements.

L’APLettres avait bien voulu espérer que la réforme du lycée, menée par un ministre qui se disait « le défenseur absolu des langues anciennes », pût replacer, selon les termes d’un fameux rapport de janvier 2018, les « humanités au cœur de l’école », à condition que se manifestât une volonté politique résolue. Or il est bien évident que la volonté politique est, par définition, incompatible avec l’autonomie des établissements – laquelle a livré les langues anciennes en pâture aux rivalités disciplinaires exacerbées par la réduction des moyens et à l’hostilité idéologique de maints chefs d’établissement confortant les familles dans un consumérisme naïf.

L’APLettres avait en outre dénoncé, dès janvier 2018, alors même que les langues anciennes n’étaient l’objet d’aucune spécialité, l’attelage « Humanités, littérature, philosophie ». Outre qu’il était aussi suspect qu’aberrant de voir le latin et le grec exclus des humaniores litterae, cette spécialité signifiait qu’il n’entrait pas dans les desseins du ministère d’assigner aux langues anciennes le rôle, pourtant naturel, de spécialité littéraire ; là où l’histoire et les langues étrangères ont leurs spécialités propres et attenantes (« géopolitique et sciences politiques » et « littérature en langue étrangère »), pour les lettres et la philosophie, on a préféré au prolongement et à l’approfondissement l’accouplement et la redondance.

Certes, et heureusement, le coefficient 3 vient d’être confirmé, par l’arrêté du 31 décembre dernier, pour les options latin et grec au baccalauréat, dont les points seront ajoutés au total du candidat ; rappelons cependant, que le futur baccalauréat sera noté sur 2 000 points contre 700 actuellement.

Il y a, dans ce contexte, quelque légitimité à s’interroger sur la fameuse erreur de rédaction (« dans la limite de trois heures »), à laquelle on devrait le maintien au collège des horaires réduits fixés par Najat Vallaud-Belkacem, erreur reconduite de l’arrêté du 16 juin 2017 à la circulaire du 25 janvier 2018, erreur non corrigée à ce jour… Une semblable maladresse a-t-elle inspiré la rédaction des nouveaux programmes de langues anciennes pour le lycée (spécialité et option) ? Ces programmes rébarbatifs, au lieu d’ouvrir les élèves à la beauté, à l’universalité et à la fécondité des textes antiques, en proposent une autopsie anthropologique peu à même de séduire un adolescent.

L’Association des Professeurs de Lettres est donc contrainte de constater que ses espoirs ont été déçus, que la politique de marginalisation des langues anciennes programmée par les bureaux du ministère suit obstinément son cours, accompagnée de déclarations lénifiantes, et que la place aléatoire qui leur est concédée prive les études littéraires de la cohérence nécessaire. Le lycée, l’avenir des jeunes Français et la formation des citoyens méritaient assurément mieux.