L’Association des Professeurs de Lettres publiera à l’occasion de son prochain Comité son analyse du rapport issu de la « concertation sur la refondation de l’école » voulue par l’actuel gouvernement. Le Bureau souhaite néanmoins réagir au discours prononcé par le président de la République le 9 octobre en Sorbonne à l’occasion de la remise de ce rapport.
L’APL ne peut que souscrire à l’idée que « la première vocation de l’école c’est de transmettre un savoir » et de « développer l’esprit critique », ou que « connaître » le métier d’enseignant « c’est d’abord maîtriser sa propre discipline » ; elle ne peut que se réjouir que le président soit comme elle « profondément attaché au caractère national de l’éducation », qu’il ne veuille pas « céder à l’illusion du tout numérique » ni « revenir aux IUFM ». Mais elle s’inquiète de voir ces affirmations toujours présentées comme des concessions et toujours contrebalancées par d’autres beaucoup moins rassurantes.
Ainsi, la « professionnalisation » des concours, à travers l’institution d’« écoles supérieures du professorat et de l’éducation » paraît redonner aux prétendues « sciences » de l’éducation (certaines sciences pouvant en revanche éclairer la pratique du professeur) la prépondérance calamiteuse qu’elles ont eues, à travers les IUFM et les consignes des IPR, dans le naufrage de notre système éducatif. Il est à cet égard étonnant que, tout en rendant hommage à l’histoire de l’école républicaine, le président de la République soit à ce point obnubilé par l’idée de « faire du neuf », d’élaborer une « pédagogie nouvelle », d’« inventer de nouvelles méthodes, fixer de nouveaux objectifs » et, plus largement, de « refonder » plutôt que de « réformer l’école », une « école du futur » qui « commence par les nouvelles technologies ». Si, comme il le dit, les performances de l’école sont moins bonnes aujourd’hui qu’hier, cette dégradation n’est-elle pas en toute logique due à de malencontreuses innovations ? Or celles-ci (souvent déjà anciennes d’ailleurs, comme la mesure, déjà mise en œuvre dans les années 1970 et alors déjà peu concluante, de mettre deux professeurs devant la classe) ont précisément été inspirées par les idéologies constructivistes et pédagogistes qui croyaient « donner le goût d’apprendre » aux élèves… sans jamais rien leur apprendre. De même, au-delà du slogan « l’uniformité, c’est le contraire de l’égalité », c’est une bien improbable équation qui pourrait concilier le caractère national et républicain de notre système éducatif et l’implication, plusieurs fois demandée par le président, des collectivités locales dans l’école, d’instituer un « service régional de l’orientation » au risque de provoquer un cloisonnement territorial, ou d’instituer une « aide personnalisée aux établissements » en concevant la liberté pédagogique, non au niveau du professeur, mais à celui de l’établissement.
L’APLettres redoute fort que le gouvernement, tout en rassurant mollement les partisans d’un enseignement humaniste et consistant, se laisse séduire par les sirènes du pédagogisme et prenne une fois encore la cause du mal pour son remède.