Motion sur l’enseignement de grammaire

L’Association des Professeurs de Lettres réunie en Assemblée générale tient à réaffirmer son attachement à la démocratisation de l’enseignement et à rappeler qu’elle n’est possible que si est compensé le handicap linguistique dont pâtissent nombre d’élèves, qu’elle implique donc l’acquisition d’un vocabulaire étendu et d’une connaissance réflexive de la langue française par l’étude de la grammaire, que, pour la rendre accessible à tous, il est indispensable de recourir à un enseignement explicite et systématique.

Cet enseignement doit en outre permettre aux élèves de choisir la façon la plus adaptée d’exprimer ce qu’ils ont à dire et de comprendre avec la plus grande finesse ce que signifie exactement l’énoncé qu’ils étudient ; aussi doit-il viser à la maîtrise du rapport entre le sens et la structure syntaxique utilisée, donc privilégier l’étude des fonctions syntaxiques. Or, les nouveaux programmes, et plus encore les nouveaux manuels, interdisant cette étude, au moins au niveau du troisième cycle, en imposant le modèle de la grammaire générative. Celle-ci, d’ailleurs toujours en cours d’élaboration, n’est pourtant pas conçue pour l’apprentissage de la langue : son objectif est d’établir le modèle universel de la compétence linguistique du sujet parlant une langue. Elle met l’accent sur les constituants, non sur les fonctions et leur rapport avec le sens. Enfin, très complexe, elle ne peut être étudiée avec profit que par qui possède de solides connaissances grammaticales. Le désastre qui a résulté de la substitution, dans les années 1970, de la grammaire générative à la grammaire traditionnelle prouve le danger de recourir à un modèle, certes intelligent, mais inadapté au rôle qu’on a voulu lui faire jouer et auquel les maîtres avaient été, par-dessus le marché, insuffisamment formés.

Par contre, la grammaire fonctionnelle est, par nature, à la fois adaptée au niveau des élèves et à l’objectif visé, puisqu’elle repose, précisément, sur les fonctions dans la phrase, quelle que soit la nature du terme qui possède cette fonction ; la Terminologie grammaticale de 1997, élaborée avec la collaboration de l’APLettres, est à cet égard parfaitement opératoire. De plus, ce modèle présente, d’une part, l’avantage de correspondre au modèle utilisé pour l’étude d’une langue étrangère ou d’une langue ancienne et, d’autre part, de permettre les identifications de fonction nécessaires pour les exercices de traduction.

La démocratisation suppose en vérité, non d’abaisser le niveau de l’enseignement au niveau du plus faible des élèves, mais de mettre en place les procédures nécessaires pour que le plus faible des élèves atteigne, autant que faire se peut, le niveau requis. L’enseignement grammatical, peut-être plus que d’autres, ne peut porter tous ses fruits qu’à une double condition : d’une part, la didactique de son enseignement doit être appropriée à la fois au niveau réel des élèves et à l’objectif visé et, d’autre part, la formation initiale et continuée des maîtres doit leur permettre d’assurer un enseignement réflexif cohérent.