Le Comité de l’APLettres a pris connaissance des projets de programme de l’option « langues et cultures de l’Antiquité » et de la spécialité « littérature et langues et cultures de l’Antiquité » présentés par le CSP pour le lycée. Elle en déplore les attendus et les choix idéologiques, qui lui paraissent datés, orientés et impropres à intéresser comme à former les élèves.
D’abord, la structuration thématique, si pertinents et consistants que soient les thèmes retenus, est par nature restrictive en ce qu’elle convoque les textes au service des thèmes, qu’elle les leur asservis, qu’elle encadre leur propos ; ce faisant, elle procède à rebours d’une approche proprement littéraire, qui laisse la singularité, la liberté et la complexité des textes interroger le monde et stimuler la réflexion du lecteur. On peut s’étonner à cet égard que ce projet aille à rebours de l’évolution qui anime heureusement le projet de français. On peut en outre craindre que l’approche anthropologique, par son aridité et parce qu’elle enferme les textes dans leur époque, ne les exténue : ne vaut-il pas mieux laisser les lycéens pleurer les larmes de Didon ?
De plus, ces programmes, qui ne tiennent nul compte des travaux récents sur l’intertextualité, se veulent « fondés sur la confrontation entre mondes anciens et monde moderne », un monde moderne étrangement réduit à l’époque contemporaine. On eût compris qu’il s’agît de montrer comment une uvre moderne procède d’une uvre antique et dialogue avec elle, comme La Mort de Pompée avec la Pharsale ou les Châtiments avec les Satires de Juvénal. Or le professeur est invité à « mettre en regard » des textes qui n’ont rien à voir entre eux, comme les élégies antiques et les poèmes d’amour d’Apollinaire ou de Bob Dylan et les discours de Démosthène et de Cicéron et ceux de Simone Veil ou de Barack Obama. On peine à comprendre que les auteurs aient refusé que les enseignements de langues anciennes soient pour les lycéens le moyen d’accéder à un patrimoine moderne et contemporain qui s’en est nourri et qui reste souvent muet à qui les ignore.
L’APLettres demande donc :
– que deux des quatre entrées du programme soient historiques et/ou génériques, ou consacrées à l’étude d’une uvre intégrale ou d’une section d’uvre intégrale ;
– que les uvres littéraires et artistiques auxquelles seront confrontées celles de l’Antiquité proviennent de toutes les époques depuis de Moyen-Age jusqu’à nos jours et procèdent d’un dialogue avec l’Antiquité (qui d’ailleurs rendra leur écart manifeste) ;
– que l’accent soit mis sur l’étude stylistique, qui seule manifeste l’intérêt de lire les textes dans leur langue originale.
Ces rectificatifs sont d’autant plus nécessaires que ce projet fragilise la position déjà précaire des langues anciennes au lycée, tant leur place singulière dans notre enseignement se justifie par leur lien, également singulier, avec le français et, plus largement, avec une modernité qu’elle informe.