Motion sur le projet de « professionnalisation de la formation et des concours des professeurs »

Le Bureau de l’APLettres a pris connaissance du projet de réforme du CAPES élaboré par trois directions du ministère (DGRH, DGESco et DGESIP).

Il dénonce tout d’abord un alignement absurde des épreuves de recrutement pour le premier et le second degré, alignement caractéristique du pédagogisme qui inspire plus généralement ce projet dit de «n professionnalisation de la formation et des concours ».

Ce projet se signale en effet par une abolition désastreuse des exigences, non seulement disciplinaires, mais tout bonnement intellectuelles du CAPES.

Une seule épreuve ne saurait suffire « à contrôler la maîtrise disciplinaire des candidats », car elle ne saurait couvrir les différents aspects épistémologiques et méthodologiques d’une discipline (a fortiori quand cette discipline est elle-même plurielle, comme les lettres classiques ou l’histoire-géographie, ou dans le cas des PLP, qui sont bivalents), ni par conséquent inciter les candidats à les travailler.

Quant à la seconde épreuve écrite, son indigence est affligeante : sans même demander aux candidats de composer (ce qui est purement et simplement essentiel dans nombre de disciplines), elle réduit le métier d’enseignant à une dimension purement technique, celle de la recherche et de la critique de ressources en ligne, telles qu’on les exige d’un collégien pour un exposé.

Le recrutement reposerait donc presque uniquement sur l’évaluation artificielle des compétences pédagogiques du candidat. Or, l’enseignement étant un art et non une science, il est impossible de l’apprécier hors la classe ; ces épreuves, d’ailleurs conçues pour les seuls titulaires d’un master professionnel au détriment des masters disciplinaires dans le cadre d’une formation intégrée, donc encadrée, des futurs enseignants dans les INSPÉ, consisteraient donc infailliblement à vérifier la conformité du candidat avec telle ou telle doctrine pédagogique.

L’« entretien sur la motivation du candidat » en quoi consiste la seconde épreuve orale est à cet égard hautement significatif. Cette épreuve, qui demanderait au candidat ni plus ni moins que de savoir se vendre, est une incitation à l’hypocrisie et à la tartufferie bien éloignée de la probité intellectuelle qu’on est en droit d’attendre d’un professeur. Elle révèle la conception ministérielle du métier d’enseignant, de qui l’on exigerait qu’il ne soit plus qu’un organe (« capacité à incarner et verbaliser ») docile (on notera l’expression militaire : « se positionner en fonctionnaire »), ce formatage allant naturellement de pair avec l’affaiblissement de leur maîtrise scientifique, donc de leur autonomie critique.

L’APLettres refuse que l’enseignant soit réduit au rôle d’exécutant et cesse d’être une profession intellectuelle : elle réaffirme que le professeur doit être, dans le cadre des programmes nationaux, l’auteur de son cours et que c’est son savoir qui fonde cette autorité. L’APLettres refuse un projet de professionnalisation qui est en vérité un projet de décérébration.