Motion sur le projet de socle commun

L’Association des Professeurs de Lettres a pris connaissance du « Projet de socle commun de connaissances, de compétences et de culture » élaboré par le Conseil Supérieur des Programmes.»

Contrairement à son libellé, ce socle consiste essentiellement, et sans que le terme soit jamais précisément défini, en compétences rendues creuses par l’absence ou l’insuffisance de connaissances clairsemées ; en dépit de vagues gages donnés en jouant sur l’équivocité du terme, on ne voit pas ce que le CSP entend par « culture » et quelle place elle peut bien occuper dans un dispositif que caractérise sa seule vacuité.

En vérité, en structurant l’enseignement dispensé à l’école primaire et au collège selon des « champs de compétences », le CSP envisage la dissolution des disciplines. l’APLettres observe d’ailleurs que le français n’est pas distingué des langues étrangères, elles-mêmes mises sur le même plan que les langues régionales, et qu’il n’est nulle part questions des langues anciennes, lesquelles sont pourtant par définition le socle de tout savoir humaniste. L’APLettres rappelle que seul un enseignement disciplinaire permet la transmission ordonnée de savoirs solides tels que la tradition épistémologique les a élaborés, que c’est seulement à partir de leur maîtrise que peut être développée une approche transversale consistante, que l’esprit critique ne peut pas se former ni s’exercer à vide.

Loin d’offrir à tous les élèves la connaissance d’un patrimoine national et humain qui les rattache à l’histoire et en fait les héritiers, loin de les éclairer et de les aguerrir pour prendre en mains le monde qui sera le leur, ce dispositif, qui rend obligatoires l’« épanouissement personnel » et le « plaisir de vivre en commun », et pour lequel le bonheur est une injonction, constitue une entreprise de formatage comportemental fondée sur l’ignorance organisée des citoyens, entreprise proprement totalitaire et digne du Meilleurs des mondes.