Le Comité de l’Association des Professeurs de Lettres condamne avec la plus grande vigueur l’autorisation de dispenser à l’Université des cours en anglais prévue par le projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche.
L’idée de proposer, en sus des conférences de chercheurs invités, des cours « en langues étrangères » serait acceptable, s’il ne s’agissait sous ce libellé du seul anglais international, du global english. L’exemple de pays voisins où même les cours de sciences humaines sont désormais dispensés en anglais laisse craindre en outre que les quelques limitations imposées à cette autorisation ne soient que provisoires.
C’est la qualité des cours qui attire des étudiants étrangers en France et il ne semble pas scandaleux d’attendre de ces derniers qu’ils apprennent le français ; le gouvernement français devrait d’ailleurs à cette fin promouvoir l’enseignement du français à l’étranger continûment dévasté depuis plusieurs décennies. Tout laisse penser en vérité que la loi Fioraso prépare la commercialisation de notre enseignement supérieur et qu’on veut, au lieu de faciliter la venue d’étudiants des pays francophones et d’organiser, y compris pour les études de commerce, une véritable coopération universitaire entre les pays du monde francophone, vendre des cours à des clients jugés plus lucratifs à court terme. On peut pourtant redouter que cette loi, si elle est définitivement adoptée, ne décourage les étudiants non francophones d’apprendre notre langue et n’incite ceux des pays francophones à préférer l’anglais et à étudier dans les pays anglophones.
C’est enfin la qualité même des travaux universitaires qui risque de pâtir de ces dispositions : on peut en effet constater, dans les disciplines scientifiques où l’anglais domine lors des congrès scientifiques internationaux une imprécision conceptuelle croissante ainsi que la prépondérance des modèles de raisonnement anglo-saxons, notamment inductifs. Il faut au contraire que soit mis un terme aux infractions actuelles et que surtout soit menée une politique linguistique volontariste, telle qu’elle existe par exemple au Québec, où l’on forge systématiquement des concepts en français pour désigner les nouveaux acquis de la recherche dans tous les domaines : une langue qui renonce à tout dire dans tous les domaines du savoir et pour toutes les activités humaines est une langue condamnée.
L’Association des Professeurs de Lettres en appelle donc au président de la République, qui a tant insisté durant sa campagne sur l’importance de la francophonie, pour que ce projet délétère, qui proclame au monde entier le renoncement de notre pays à conserver au français son statut de langue internationale, soit abandonné : avec la pérennité d’une vie intellectuelle en français, il y va de la liberté du monde de penser et de vivre autrement qu’en anglais.